Contexte
La scolarisation universelle figure parmi les priorités
du Gouvernement du Sénégal. Cet objectif s’est traduit par la mise en œuvre de
deux programmes sectoriels : le Programme Décennal pour l’Education et la
Formation (PDEF 2001-2011) et le Programme d’Amélioration de la Qualité, de
l’Equité et de la Transparence (PAQUET 2013-2025), qui ont permis d’atteindre
des résultats très importants en termes d’accès à l’école aussi bien que de résorption
des inégalités entre filles et garçons dans le cycle fondamental d’éducation de
base.
Cependant, malgré les efforts et les initiatives déployés
pour assurer une scolarisation universelle par l’Etat du Sénégal, avec l’appui
de ses partenaires, et l’action conjuguée de la société civile et des
Organisations non gouvernementales (ONG) internationales, une partie importante
des enfants sénégalais se trouve toujours hors du système éducatif. La
persistance de cette exclusion impose un diagnostic et une analyse en
profondeur de la situation pour en comprendre les causes, en vue d’une prise en
charge adéquate des enfants en âge de scolarisation au Sénégal.
Dans cette perspective, le Gouvernement du Sénégal, en
collaboration avec USAID, a réalisé une étude pour combler le déficit de
données et améliorer la compréhension des obstacles à une éducation universelle
des enfants âgés de 6 à 16 ans. Cette étude comprend également une analyse des
enjeux de la formation professionnelle pour les jeunes de la tranche d’âge de
17 à 24 ans.
Objectif
L’objectif de l’étude
est de fournir des données actualisées au niveau national sur les enfants et
les jeunes hors du système éducatif au Sénégal, afin d’assurer une meilleure
prise en charge de leurs besoins et attentes en matière d’éducation ou de
formation. Plus spécifiquement, cette étude fournit des informations complètes
sur :
·
l’ampleur et la nature des phénomènes de la
non-scolarisation et déscolarisation ainsi que sa configuration au niveau
national et dans les différentes régions du pays ;
·
le profil social, démographique et économique des enfants
et des jeunes qui sont hors du système éducatif ;
·
les raisons, déterminants et facteurs explicatifs du
phénomène.
Méthodologie
D’une portée
nationale, cette étude couvre les quatorze régions du Sénégal. La composante
quantitative représentative aux niveaux national et régional a été associée à une
composante qualitative, comprenant : une enquête qualitative auprès des
communautés et des structures éducatives, une enquête boule-de-neige auprès des
enfants dans la rue et une cartographie des interventions existantes sur le
terrain.
Résultats
obtenus/réalisations/ impacts
L’étude a révélé qu’au Sénégal, en 2015/2016, sur une
population scolarisable d’enfants et de jeunes âgés de 6 à 16 ans estimée à
4.022.229, l’effectif des enfants scolarisés s’établit à 2.523.973, contre
324.209 enfants déscolarisés et un effectif d’enfants jamais scolarisés de
1.174.077. Ces enfants hors du système représentent 37% de l’effectif du groupe
d’âge 6-16 ans. Ils sont majoritairement constitués de garçons (57%). La part
des « déscolarisés » est
sensiblement plus importante en milieu urbain, alors que le milieu rural abrite
des proportions de « jamais
scolarisés » plus importante.
Les résultats indiquent également qu’au Sénégal, en 2016,
20 % des enfants et jeunes de 6 à 16 ans scolarisés sont à risque de décrochage
scolaire. Cette proportion est plus forte en milieu rural qu’en milieu urbain.
Elle l’est davantage chez les garçons en milieu rural et chez les filles en
milieu urbain. Par ailleurs, le risque de décrochage prévaut surtout chez les
jeunes de 12-16 ans. Les facteurs en sont l’exercice d’une activité génératrice
de revenu et le niveau d’études du chef de manage.
Les raisons évoquées et les facteurs qui expliquent la
non scolarisation et la déscolarisation des enfants au Sénégal sont multiples
et variés.
Concernant la non scolarisation, les principaux facteurs
sont liés à des croyances religieuses opposées aux contenus des enseignements
de l’école formelle, à la pauvreté, au défaut de pièce d’état civil, mais aussi
à l’éloignement et à l’indisponibilité des écoles.
Quant à la déscolarisation, les facteurs qui interviennent
sont liés à la désaffection à l’égard
de l’école éprouvée par l’enfant, le manque de moyens financiers face aux frais
de scolarité élevés, le poids des travaux domestiques pour les
filles des familles pauvres et la diffusion des mariages précoces, le défaut de
pièce d’état-civil, mais également les échecs répétitifs et l’éloignement des
écoles.
En s’intéressant aux stratégies d’éducation mises en
place pour soutenir les enfants qui sont hors du système, l’analyse des
interventions existantes montre une couverture très inégale des différents axes
de soutien que sont l’accès, le maintien, la réinsertion et la diversification.
Le domaine de l’amélioration de l’accès à l’école bénéficie des efforts les
plus importants du Gouvernement et ses partenaires. En ce qui concerne le
maintien des enfants et des jeunes à l’école, les rares interventions
répertoriées sont axées sur les solutions au décrochage plutôt que sur la
prévention. Dans le domaine de la réinsertion, des initiatives phares sont mises
en œuvre par le Gouvernement et quelques interventions ponctuelles comme le
projet « Prise en charge des exclus du système éducatifs (2012-2016) » financé
par l’UNICEF et mis en œuvre à Kédougou. La diversification de l’offre
éducative bénéficie depuis 2003 d’une attention particulière du Gouvernement
qui a initié l’ouverture d’écoles franco-arabes publiques destinées à prendre
en compte les attentes éducatives des populations dans les régions de Diourbel,
Kaffrine, Louga et Matam, caractérisées par une forte tradition religieuse.
Leçons apprises
Les principales leçons apprises de l’étude sont les
suivantes :
·
il est nécessaire d’élargir et renforcer le réseau d’écoles
franco-arabes publiques, en mettant à disposition des enseignants qualifiés
pour assurer une prise en charge suffisante de la demande ;
·
il est indispensable de construire des écoles dans les
localités qui en sont dépourvues ;
·
la gratuité de tous les frais scolaires pour tous les
élèves est indispensable, ainsi que la mise à disposition des fournitures
scolaires pour tous les élèves issus de familles démunies ;
·
il est important de mettre en place un mécanisme
d’accompagnement pour aider les enfants qui en sont dépourvus à obtenir des
actes d’état civil provisoires ;
·
il faut mettre en place un modèle d’éducation de base
complémentaire au profit des enfants jamais scolarisés dont l’âge ne permet
plus l’accès à l’école élémentaire, en formant également les enseignants et les organes de gestion scolaire dans la prise en charge
d’enfants à besoins spécifiques ;
·
il est important de développer l’information et la
communication en impliquant les leaders d’opinion pour une valorisation et l’inscription
des enfants d’âge scolaire à l’école.
Plus spécifiquement,
afin de réduire la déscolarisation, il convient de :
·
étendre le réseau d’écoles élémentaires à cycle complet
surtout en milieu rural ;
·
mettre en place des solutions de rattrapage pour les
enfants en difficulté d’apprentissage, afin de renforcer leur capacité et leur
donner confiance pour les encourager à rester à l’école ;
·
veiller à l’application de l’arrêté interdisant le
redoublement intra étape ;
·
améliorer l’environnement physique d’apprentissage ;
·
mettre en place des initiatives de suivi et de
remédiation communautaires impliquant les parents, les jeunes diplômés et les
instituteurs de la localité (village ou quartier) ;
·
développer des activités d’alphabétisation fonctionnelle
des parents pour les aider à mieux soutenir et à s’impliquer davantage dans le
suivi scolaire de leurs enfants.
Afin de favoriser le
maintien à l’école des enfants en risque décrochage, il convient de :
·
accélérer la mise en place d’observatoires de la vulnérabilité
à la déperdition scolaire (OVDS) ;
·
améliorer la qualification et la motivation des
enseignants ;
·
mettre en place des dispositifs de suivi et de
remédiation qui impliquent davantage les communautés dans le renforcement des
acquis des élèves ;
·
sensibiliser les communautés aux effets néfastes des
mariages précoces ainsi que sur l’importance de la poursuite des études pour
les filles.
En vue de favoriser
la scolarisation des enfants et des jeunes mendiants (talibé), il est
nécessaire de :
·
faire appliquer la réglementation concernant la création
et le fonctionnement de daara internats ;
·
introduire un curriculum de base comprenant le français,
les mathématiques et les compétences de vie courante aux enfants des daara pouvant
servir de passerelle à l’école formelle ou à la formation technique.
En vue de favoriser
l’insertion des jeunes de 17 à 24 ans, il convient de :
·
mettre en place des offres de formation qualifiante
accessibles, adaptées, et gratuites ;
·
inventorier les opportunités locales et régionales
d’emploi ou de stage, pour faciliter l’insertion des jeunes après leur
formation ou la mise en œuvre d’initiatives d’auto-emploi adossées aux
ressources locales ;
·
fournir une alphabétisation fonctionnelle en français au
niveau des programmes de formation professionnelle ;
·
faire accompagner les jeunes par un fond de promotion de
l’entrepreneuriat artisanal et la mise en place de cours de renforcement et de
rattrapage.
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